La Presse
Nouvelles générales Vendredi 20 décembre 1996 A12
L’affaire Réno-Dépôt : réactions d’amère indignation
Suffit-il d’en avoir les moyens pour faire taire un auteur? demande l’UNEEQ
Boisvert, Yves
TYPE: Nouvelle
LONGUEUR: Moyen
CENTRE D’INTÉRÊT: Biographies; Organismes culturels; Quincailleries; Présidents, administrateurs et conseils d’administration; Cours et administration de la justice
CENTRE GÉOGRAPHIQUE: Québec
Réno-Dépôt
Le succès des manoeuvres judiciaires du groupe Réno-Dépôt et des frères Pierre et Claude Michaud pour maintenir le secret autour d’un ouvrage historique choque l’Union des écrivains du Québec et la Fédération professionnelle des journalistes du Québec.
Rappelons que le manuscrit P.-H. Le Magnifique , biographie de l’homme d’affaires Paul-Hervé Desrosiers (grand-oncle des Michaud) par Pierre Turgeon est sous le coup d’une injonction depuis septembre. Pierre Michaud a commandé l’ouvrage et prétend pouvoir en disposer, ce que conteste Turgeon, qui n’a jamais cédé ses droits d’auteur.
Au moment où le juge Michel Côté, de la Cour supérieure, allait entendre l’affaire «au fond» pour rendre une décision finale, les Michaud ont tenté d’obtenir un huis-clos complet sur le débat judiciaire. Le juge Côté a refusé, mettant uniquement le manuscrit et un autre document «sous scellés», c’est-à-dire inaccessible au public, le temps du procès. Les Michaud ont obtenu hier une permission d’en appeler de cette question (le huis-clos et la publicité des documents), et en attendant, le secret le plus complet est maintenu.
Le juge en chef de la Cour d’appel, Pierre Michaud (aucun lien avec le pdg de Réno-Dépôt), estime que l’affaire devrait être entendue au plus tard en avril.
Mais, déjà hier, l’avocat de Réno-Dépôt annonçait qu’il demanderait une prolongation de ses délais pour produire son mémoire (il a normalement 15 jours).
«C’est vraiment regrettable, tous ces délais, dit M. Pierre Lavoie, directeur de l’UNEEQ. C’est une question qui devrait tomber sous le sens. L’enjeu est public et il faut que le débat soit public.»
«Est-ce que ça veut dire qu’il y a une justice à deux vitesses : une pour les puissants et les riches, une autre pour les gens ordinaires?» demande-t-il. En effet, la disproportion des moyens entre les Michaud et M. Turgeon et son éditeur (Jacques Lanctôt) est phénoménale, note-t-il.
«C’est très décevant, ajoute Claude Robillard, secrétaire général de la FPJQ. Ça veut dire qu’un document d’intérêt public et publiable, fruit d’une enquête de qualité, contenant des informations inédites sur des personnages historiques, restera à l’écart pour des mois. C’est absurde, d’autant plus que les Michaud peuvent aller d’un appel à l’autre avec la puissance financière qui est la leur. Turgeon ne pourra jamais les suivre en Cour suprême!»
La guérilla judiciaire qui s’annonce donnerait probablement le temps à un autre écrivain d’enquêter sur P.-H. Desrosiers et de publier un livre!
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