Le Devoir
Livres, samedi 14 mars 1998, p. D2
La vie littéraire

Plagiats

Chouinard, Marie-Andrée

En France, relate le quotidien Le Monde dans l’une de ses éditions de la semaine, l’heure est au plagiat. Dans le monde de l’édition, à qui la faute? L’auteur, l’éditeur ou encore tous ceux-là qui travaillent dans l’ombre et derrière lesquels l’écrivain se cache?

C’est dans Le Monde de ce mardi que ce savoureux dossier a été publié. Ouvrant sur la soudaine prolifération de cas de plagiat, le quotidien s’interroge ensuite sur les causes étranges d’une telle situation: [On en vient à se demander si] les éditeurs ne seraient pas victimes d’un système qu’ils ont contribué à mettre en place: la multiplication de collaborateurs oeuvrant pour des personnalités dont l’emploi du temps ne leur permet pas d’effectuer eux-mêmes le travail de recherche.»

En l’espace de peu de temps, l’écrivaine Marie Darrieussecq (Naissance des fantômes) est accusée de plagiat par la romancière Marie Ndiaye, Mgr Jacques Gaillot (La Dernière Tentation du diable) pointé du doigt pour les mêmes raisons par l’universitaire Paul Ariès, sans compter la célèbre affaire Calixthe Beyala, auteure accusée pour son roman Les Honneurs perdus d’avoir emprunté à Howard Buten et à Ben Okri.

Dans le cas Gaillot, l’accusé – qui a conclu l’affaire en retirant de la vente son ouvrage – a plaidé l’abus de confiance, précisant que l’éditeur avait mis à sa disposition une équipe de «gens compétents» pour l’aider à avancer la tâche. Des collaborateurs auront donc allègrement plagié en omettant de signaler cette paresse intellectuelle au signataire de l’écrit. Mais, poursuit Le Monde, n’oublions pas que cette disculpation cache «l’aveu implicite, de la part du signataire, de n’être pas – du moins partiellement – l’auteur de son livre», précisant au passage que nombre de ces accusations concernent des personnalités publiques (l’ancien ministre Jack Lang par exemple) soupçonnées d’avoir peu de temps pour la rédaction de bouquins. L’auteur était-il véritablement l’auteur ou y a-t-il imposture?

Éditeurs victimes d’un système qu’ils auraient eux-mêmes contribué à instaurer, en élevant au rang d’écrivains des personnalités forcées – par manque de temps ou autre – de faire appel à des documentalistes dont on ne peut vérifier les sources?

Interrogé à se sujet, l’avocat Emmanuel Pierrat, spécialiste du droit d’auteur, estime qu’il n’y a pas plus de ces histoires d’emprunt, légitime ou non, mais qu’elles sont sans nul doute doublement étalées au grand jour. «Ce qui s’est vraiment développé, c’est le droit de la presse: diffamation, injure, droit à l’image, atteinte à la vie privée… C’est là qu’est la véritable explosion.»

Il n’y a pas que la France que ce genre d’affaire intéresse. Chez nous, dans une veine similaire, qu’on pense seulement à l’écrivain Pierre Turgeon, poursuivi pour avoir livré dans un manuscrit sur le fondateur de Réno-Dépôt des parcelles d’histoire qui porteraient atteinte à la réputation des descendants. Où établir la limite? Même si ici il n’est pas à proprement parler question de plagiat, on accuse tout de même un auteur d’avoir emprunté des portions d’histoire pour composer son écrit. Rappelons l’affaire Caillou, qui a valsé elle aussi devant les tribunaux, où une illustratrice et une éditrice se disputent la paternité d’un petit bonhomme à la bouille sympathique.

Chose certaine, relate conclut Le Monde, le barbouillage médiatique orchestré autour de certaines histoires – des célébrités, politiques ou autres, soudainement attirées par l’écriture, et fortement soupçonnées par la critique d’avoir confié à des collaborateurs de l’ombre la quasi totalité de la tâche livresque – fait son petit bonhomme de chemin dans la tête des lecteurs, et les fait douter du talent authentique du signataire.

L’Académie des lettres agrandit son cercle
Deux nouveaux membres viennent tout juste de faire leur entrée dans le cercle intime de l’Académie des lettres du Québec: ayant tous deux fait leurs armes dans le monde de la littérature, Monique LaRue et Réginald Martel pourront désormais ajouter le titre d’académiciens à tous les fleurons qu’ils ont déjà reçus. La romancière et essayiste Monique LaRue enseigne la littérature, a longtemps prêté sa plume à la critique littéraire au Devoir, et est l’auteure de Copies conformes (Grand Prix du livre de Montréal 1990), de La Démarche du crabe et de La Cohorte fictive, entre autres ouvrages. Autre personnage connu dans l’univers littéraire, Réginald Martel est critique et chroniqueur littéraire au quotidien La Presse depuis 1968. En 1994, il a publié Le Premier lecteur. Chroniques du roman québécois. Avec ces deux nouvelles nominations, 34 des 36 sièges de l’Académie sont comblés.

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