Le Devoir
Montréal, samedi 24 janvier 1998, p. A3

La biographie de Paul-Hervé Desrosiers: À qui appartiennent les droits d’auteur ?

L’écrivain Pierre Turgeon défend en cour ses droits sur l’oeuvre

Chouinard, Marie-Andrée

Dans le conflit qui l’oppose au président-directeur général de Réno-Dépôt et au coeur duquel se trouve une biographie sur l’homme d’affaires Paul-Hervé Desrosiers, l’écrivain Pierre Turgeon a défendu hier au Palais de justice de Montréal son plein titre sur les droits d’auteur rattachés à l’oeuvre.

Cette affaire, qui a connu ses débuts il y a déjà plus de trois ans, oppose la tête dirigeante de la chaîne québécoise de magasins-entrepôts de rénovation Réno-Dépôt, Pierre Michaud, à l’écrivain et historien Pierre Turgeon, auteur d’une biographie non publiée sur P.-H. Desrosiers, fondateur de Val-Royal (aujourd’hui Réno-Dépôt) mais aussi grand-oncle de M. Michaud.

M. Michaud, qui a «commandé» à l’auteur une oeuvre rappelant le parcours de l’homme d’affaires et personnage politique qu’a été son oncle, s’est trouvé insatisfait du contenu de l’ouvrage une fois la rédaction complétée. Parmi les quelques procédures juridiques qui ont déjà concerné cette affaire, une injonction provisoire – que les demandeurs souhaitent aujourd’hui permanente – interdisait la publication de l’oeuvre à l’automne 1996.

Après avoir échoué dans une tentative de faire publier l’oeuvre aux Éditions de l’Homme, M. Turgeon souhaite désormais , de concert avec Jacques Lanctôt, que l’oeuvre soit publiée sous l’égide de Jacques Lanctôt éditeur.

Le procès en Cour supérieure, présidé par le juge Georges Audet, s’est ouvert jeudi, s’est poursuivi toute la journée hier et doit continuer encore lundi. Hier, les avocats de Pierre Turgeon et Jacques Lanctôt ont tenté de convaincre le juge que l’écrivain avait en tout temps conservé ses droits d’auteur, malgré le fait que M. Michaud ait commandé l’ouvrage et ait versé des avances à l’auteur à la fois pour la recherche et sa rédaction.

L’avocat de l’auteur, François Shanks, a tenté de démontrer que, en vertu d’un contrat signé par l’éditeur (le Groupe Sogides, autrefois en cause), l’auteur et l’«initiateur» (Pierre Michaud), M. Turgeon est toujours demeuré pleinement titulaire de ses droits d’auteur et peut, comme le commande la Loi sur le droit d’auteur et la Loi sur le statut de l’artiste professionnel, en disposer comme bon lui semble (les céder à l’éditeur et ainsi recevoir des redevances après publication ou les conserver si l’étape de la publication n’est jamais franchie).

Le juge Audet est plusieurs fois revenu à la charge avec une analogie plaçant face à face littérature et arts visuels. Si je commande un tableau et que le résultat ne me convient pas, puisque j’ai payé pour l’oeuvre, ne pourrai-je pas en disposer comme je le veux et la mettre au feu si je le souhaite?, a ainsi demandé le juge à Me Shanks.

L’avocat a tenté de renvoyer la balle au magistrat en disant que les sommes versées par le p.-d.g. de Réno-Dépôt à l’auteur (environ 60 000 $) ne constituaient que des avances sur les futures redevances versées à l’auteur en vertu du contrat qui le lie à son éditeur.
L’Union des écrivains du Québec, dont l’avocat, Me Raymond Doré, doit prendre la parole lundi, s’intéresse vivement à cette affaire au centre de laquelle se retrouve la question de la propriété des droits d’auteur. La Fédération professionnelle des journalistes du Québec y jette aussi un oeil attentif puisqu’elle juge que cette cause pourrait avoir d’importantes incidences sur le droit du public à l’information.

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