Le Soleil
Le Québec et le Canada Dimanche 29 mars 1998 A6
L’écrivain Pierre Turgeon dépouillé de ses droits d’auteur
PC
Montréal
TYPE: Nouvelle
LONGUEUR: Moyen
CENTRE D’INTÉRÊT: Écrivains; Biographies; Quincailleries; Présidents, administrateurs et conseils d’administration; Cours et administration de la justice; Droit d’auteur et de propriété
CENTRE GÉOGRAPHIQUE: Québec
ENTREPRISE: Réno-Dépôt
La décision du juge Georges Audet dans l’affaire opposant Réno-Dépôt à l’écrivain Pierre Turgeon a complètement atterré le biographe jeudi. En effet, le jugement dépouille l’écrivain de tous ses droits d’auteur, lui somme de remettre tous les documents, enregistrements, notes, disquettes des trois ans de recherche sur le fondateur de Réno-Dépôt et lui interdit de se servir à jamais de renseignements qu’il aurait recueillis durant cette période.
Pierre Turgeon n’aurait pas imaginé un tel dénouement. «C’est extrêmement défavorable, pas seulement pour moi, pour tous les auteurs, écrivains et pour la liberté d’expression», a affirmé l’auteur qui a dix jours pour décider s’il conteste la décision. L’histoire du livre P.H. le magnifique remonte à six ans. En 1992, le président de Réno-Dépôt, Pierre Michaud, a commandé à Pierre Turgeon une biographie de son grand-oncle et fondateur de l’entreprise, Paul-Hervé Desrosiers. M. Turgeon a d’abord reçu 21 000 $ en vertu d’un contrat de commande pour effectuer la recherche, puis 6000 $ en frais de toutes sortes et 34 000 $ pour la rédaction de l’ouvrage et pour une avance sur les droits d’auteur. Mais une fois l’ouvrage terminé, le président Pierre Michaud a refusé qu’il soit publié. C’est que certains détails de la vie de son grand-oncle ne lui ont pas plu et constituent, selon lui, une atteinte à la réputation et à la vie privée.
Pierre Turgeon n’en est pas resté là et a fait accepter son manuscrit chez un autre éditeur, Jacques Lanctôt. M. Turgeon allègue que son manuscrit lui appartient et qu’il n’a jamais renoncé à ses droits d’auteur en signant les contrats de commande. Après deux mois de délibération, le juge Georges Audet estime qu’il «faut distinguer la présente situation de celle où un auteur soumet un manuscrit à un éditeur professionnel pour publication. Dans un tel cas, celui qui cède son droit d’auteur à l’éditeur charge ce dernier de publier l’oeuvre et, à défaut par lui de le faire dans un délai raisonnable, l’auteur peut alors récupérer son ouvrage pour le faire publier ailleurs. Le cas de Pierre Turgeon est différent, explique le juge Gaudet. Pierre Michaud, «qui n’est pas éditeur, a payé l’auteur pour rédiger un manuscrit dont le but premier est de promouvoir l’entreprise.»
C’est là où il faut examiner le droit que s’est réservé Pierre Michaud de ne pas publier l’ouvrage. «Ce droit, selon le tribunal, ne peut être qu’exclusif, sinon la clause n’a pas de signification dans les circonstances que nous connaissons.»
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